mardi 22 novembre 2011

Semper Fidelis (*)

Telle est la devise du comité qui un soir d'octobre 2002 m'a baptisée.
Je donc une ex-bleuette, soit, selon Mr Laurent Louis, une nana qui a subi "Une longue suite de brimades plus pénibles les unes que les autres, destinées à soumettre les uns par rapport aux autres en les humiliant le plus possible au vu de tous"
J'ai survécu, je suis une guerrière, un ancien combattant..
Et même que j'ai ri, quand "gueule en terre", mon amie Delphine me faisait des grimaces pendant que les "poils" nous criait dessus.. J'ai ri aussi en préparant mes costumes, ri quand les comitards s'emmêlaient.
Et j'ai appris la solidarité, parce que les bleus sont solidaires, c'est bien connu.
Et de cette solidarité sont nées des amitiés qui aujourd'hui encore perdurent et ne perdent rien de leur force.
J'ai survécu, et j'ai appris que dans la vie il vaut parfois mieux fermer sa bouche et serrer les dents. J'ai appris que je pouvais me dépasser quand je m'étais fixé un objectif, que j'étais capable de prendre sur moi.
J'ai goûté à des mets qui plus jamais ne franchiront mes lèvres, je me suis baladée l'allure répugnante en chantant à tue-tête des chansons paillardes, j'ai fait peur aux bourgeois qui nous regardaient de derrière les fenêtres de leur restau branché en ce disant que "ce n'est quand même pas Dieu possible ma bonne dame que l'on fasse subir ça à ces pauvres êtres".
Peut-être ces gens étaient-ils des familiers de ce cher Mr Louis?

J'ai été une bleuette.. J'en ai parfois morflé.. J'en ai surtout beaucoup ri, et je ne crains pas que mon nez s'allonge quand j'affirme que la période des bleusailles est pour moi un bon souvenir..


J'ai été comitarde, Présidente de mon cercle même.. Mon but était donc, toujours selon Mr Louis,  "de martyriser pour rendre soit disant solidaire.  ".
Tremblez braves gens, aujourd'hui j'éduque vos enfants!
J'ai été comitarde, j'ai été présidente, j'ai crié sur de pauvres post-ados que j'avais placé dans une position que l'on dit humiliante. J'ai fait claquer mes chaussures au sol pour qu'ils se relèvent et me récitent la formule adéquate (j'imagine que l'on comparera ça au bruit des bottes..), j'ai préparé des potions ou des petits plats goûtus, j'en ai même fait pleurer, oui oui ma bonne dame, quand j'ai géré le stand psycho.
Je suis un monstre, sans aucun doute..
Un monstre que près de dix ans plus tard, ceux qu'elle a martyrisés saluent encore d'un grand sourire.. Certains m'invitent même à des soupers et me laissent porter leur enfant. Un syndrome de Stockholm, assurément.
J'ai été comitarde, et si j'ai fait perdurer ce que j'avais moi-même eu l'occasion de vivre, ce n'est pas par sadisme, mais parce que j'avais trouvé, dans l'expérience vécue, de quoi rendre ma vie plus belle, plus joyeuse.. Parce que les mots "camaraderie", "respect" et "tradition" avaient pris tout leur sens.
"Camaraderie", encore plus que les autres.. Ces amitiés qui durent, ces sourires croisés, les rires de coronaes ou de guindailles qui résonnent encore à mes oreilles, les souvenirs gravés, à jamais, dans ma mémoire. Parce qu'on était jeunes et cons et qu'on avait décidé de bouffer la vie avant qu'elle ne nous engloutisse dans le monde adulte.

Je suis une baptisée.. Et ma vie n'aurait pas été la même sans ça.. Et je n'aurais pas été la même sans ça.

Alors sans doute, peut-être, faut-il encadrer ces réjouissances, pour éviter que la fête tourne au cauchemar..
Mais supprimer purement et simplement ce que nous sommes si nombreux à nous réjouir d'avoir vécu..

"Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là"



PS: A ceux qui comparent les pratiques des baptisés à celles des nazis ou autres: avez-vous jamais vu un rescapé heureux de ce qu'il a vécu?
C'est là, je crois, que se trouve tout la nuance...


(*) "Fidèle à jamais "